Le Père Najeeb, héros irakien autour des Chrétiens d'Orient.

Le père Najeeb lors du vernissage de l'exposition Mésopotamie. Carrefour des cultures.

Mardi 19 mai 2015 a lieu le vernissage de l’exposition « Mésopotamie. Carrefour des cultures. Grandes heures des manuscrits irakiens (XIIIè – XIXè siècle) à l’Hôtel de Soubise à Paris.

Le père Najeeb Michael, dominicain irakien appartenant au couvent de Mossoul est en quelque sorte le héros de cette soirée. C’est lui qui est parvenu à sauver quelques 800 manuscrits d’une destruction certaine face à l’avancée de l’Etat islamique en Irak. Ce qui frappe quand on rencontre le père Najeeb, c’est son visage lumineux, son regard plein de vie, son sourire. Le père Najeeb revient en français sur la situation en Irak :

« Chez les chrétiens, ils sont 120 000 réfugiés et plusieurs milliers de Yézidis [au Kurdistan]. Dans les centres que j’ai lancés pour servir, il y a des yézidis et des chrétiens, en même temps, parce que pour moi, c’est l’être humain qui est en priorité.

« Ecoutez, j’ai tout perdu. Je suis moine. Je suis religieux. Je n’ai pas d’enfants « propres » mais j’ai des milliers d’enfants qui sont des êtres humains persécutés et des milliers de manuscrits qui sont aussi mes enfants. C’est une richesse.

« On protège les peaux mortes [celles des manuscrits] et vivantes en même temps. Ce sont nos enfants. Il faut vivre ensemble. Nous avons le même destin. Les êtres humains qu’ils soient musulmans, chrétiens ou Juifs ; ce sont des enfants de la création, de la vie. Et le religieux vient pour éduquer.

Le père Najeeb, incarnation du dialogue interreligieux, nous montre avec fierté un manuscrit coranique qu’il est parvenu à sauver annoté par un frère.

« J’ai fait des études sur l’Islam, sur les Yézidis. Je suis en train de préparer une thèse en Suisse sur les Yézidis. C’est important aujourd’hui. C’est une culture humaine en tout qu’on doit mettre en priorité. Il faut combattre le seul ennemi commun que nous avons tous ensemble : c’est ceux qui détruisent notre culture et qui tuent l’humain en Afrique, en Orient. »

Néanmoins, il ne faut pas se méprendre. Ces derniers, « il ne faut pas les tuer, il faut les éduquer ». Et à la base de l’éducation se trouvent les livres ; voilà pourquoi il faut « archiver tout cela [les manuscrits], numériser tout cela pour l’humanité. Si on ne les numérise pas, notre culture, elle va mourir. »

Cela nous ramène à l’ordre du père Najeeb, les Dominicains dont les plus grands représentants comme Saint Thomas d’Aquin étaient les maîtres de la scholastique destinée à faire triompher la lumière divine de la raison et dont leurs bibliothèques étaient une partie de la mémoire de l’humanité. Le père Najeeb incarne cette tradition chrétienne de préservation de notre patrimoine civilisationnelle multiculturel. Sa rencontre est une leçon d’humanisme, de tolérance et d’espérance alors que l’Irak et la Syrie sont plongées dans une situation tragique où la violence semble progresser inexorablement.