Le Père Boulad, prophète et mystique: rencontre

Le Père Boulad à l'Assemblée Nationale, le 27/05/2015

Mercredi 27 mai a eu lieu à l’Assemblée nationale une conférence du père Boulad, présentée par le député Jean-Frédéric Poisson dont l’intitulé est Expansion de l'Etat islamique : quel avenir pour les chrétiens d'Egypte ? Le père Boulad, âgé de 84 ans est une personnalité hors-norme, politiquement incorrecte, prophète, surnommé le mystique et encourageant aussi bien les membres de l’Eglise que les chrétiens en général, à un retour à la radicalité évangélique. Il croit en la puissance du Saint Esprit sur les hommes et du Verbe qui prend chair dans le discours. Au premier abord, sa parole aux intonations parfois johanniques a quelque chose de scandaleux comme a pu l’être le scandale de la Croix [Saint Paul, Epitre aux Galates, 5, 11] en son temps pour ceux qui refusaient l’effet et la puissance de la Croix pour paraphraser Saint Thomas d’Aquin. Nous avons pu nous entretenir longuement avec le père Boulad dès le lendemain autour de thématiques aussi diverses que celles de la Compagnie de Jésus, du Concile de Vatican II, des idéaux chrétiens de la virginité, de la vie monastique et du martyr, de l’apostolat par la beauté, du génie civilisateur du Christianisme, de la guerre ou bien encore de la possible disparition des chrétiens d’Orient dans le berceau du Christianisme. Laissons la parole au père Boulad dont la devise est Changer le monde:

« Je me présente en deux mots. Je suis égyptien de nationalité, syrienne d'origine, avec une deuxième nationalité qui est libanaise, de rite grec melkite catholique ; jésuite depuis l'âge de 19 ans ce qui me fait 65 ans de vie religieuse. J'ai étudié au Liban, en France, aux États-Unis. J'ai étudié pas mal d'ouvrages dans beaucoup de langues. Je suis conférencier. Je suis spécialiste de la non-spécialisation c'est-à-dire que je trouve que pour comprendre les choses aujourd'hui, il faut dépasser les spécialisations, les domaines fermés. On peut être brillant là-dedans et extrêmement performant mais on ne peut pas comprendre cette réalité complexe que nous vivons aujourd'hui qui supposent l'interdisciplinarité.

En tant que Jésuite je serai franc, je suis heureux d'être jésuite mais j'ai beaucoup hésité à rentrer dans la Compagnie de Jésus pour quatre raisons : premièrement, je les trouvais trop riches, deuxièmement, je les trouvais trop orgueilleux, troisièmement, je les trouvais trop durs et quatrièmement parce que la formation était trop longue et que moi je voulais produire le plus vite possible. C'était quatorze ans de formation mais j’en ai eu dix-sept mais je ne le regrette pas. La Compagnie de Jésus m’a énormément donné. Je suis heureux d’y être. Je trouve qu’elle est en crise. Je l’ai dit haut et fort à une des dernières congrégations générales qui réunissait les jésuites du monde entier. [...] Une des preuves c’est la chute vertigineuse des vocations. Les jeunes ne sont plus motivés pour entrer dans une vie religieuse qu’ils trouvent trop molle, trop sécurisée, trop sécurisante.

Moi, je suis pour la radicalité, je suis pour la radicalité de l’Evangile ; je suis radical vis-à-vis de moi-même, je suis radical vis-à-vis des autres, je tiens un discours radical. Ca ne plaît pas à beaucoup, ça plait à certains. Je veux sortir du discours de la langue de bois pour que les choses soient dites comme elles doivent l’être. C’est mon discours par rapport à l’Eglise. J’ai envoyé une lettre au Pape Benoit XVI en 2007 disant mes inquiétudes par rapport à l’Eglise, une lettre intitulé SOS pour l’Eglise d’aujourd’hui qui a été traduite dans plusieurs langues, qui se trouve sur internet et qui m’a attiré non pas une réponse du Pape que je n’attendais d’ailleurs pas mais qui a suscité plus de 700 réactions enthousiastes à travers le monde entier par rapport à ce que je disais là, que chacun pense peut-être au fond de lui-même. »

« Je ne suis pas pessimiste, je tire la sonnette d’alarme parce que c’est comme si quelqu’un était au bord du précipice. Je lui dis : « Attention ! » Ecoute, pas d’histoire. Un type est devant un lion… Mais les lions c’est très gentil… L’écologie, il faut respecter la nature. En d’autres termes, je ne suis pas pessimiste, j’essaie d’être réaliste parce que je crois qu’il y a une espèce d’inconscience généralisée qui fait si on ne parle pas mais qui va parler ?

Qui mène l’Histoire ? Les majorités ou les minorités ? Les minorités, les individus. Un individu peut faire basculer l’Histoire. Cet individu c’est vous, c’est moi, c’est vous. En d’autres termes, quand quelqu’un décide et investit sa vie toute entière dans un projet, un idéal, il gagnera et quand je parle, j’essaie de faire que chacun, chacune de ceux qui m’entendent s’engage à fond dans ce changement, changer le monde. Nous pouvons le changer. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a pas de destin. »

Léonard Putigny, le 28/05/2015, Paris

Pour en savoir plus, vous lire sa lettre adressée à Benoit XVI et disponible sur Internet: SOS pour l’Eglise d’aujourd’hui.

Vous pouvez aussi acheter son livre: Changer le monde : Expérience mystique et engagement paru aux éditions Saint-Augustin en 2004 et en vente sur Amazon.

PS : La conférence à l'Assemblée Nationale et l’entretien qu'il nous a accordé seront prochainement en intégralité en ligne sur Youtube.